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Les ingénieurs sortant de l’école doivent être opérationnels tout de suite

"A l'époque où j'ai commencé ma carrière d’ingénieur, une personne plus ancienne m'accompagnait. Aujourd’hui, nous manquons souvent de temps pour cela." (André Van Damme, Umicore)
Les ingénieurs récemment diplômés sont très recherchés. Les entreprises les engagent volontiers, même s’il reste encore beaucoup à faire pour former leurs nouvelles recrues. "Nous ne pouvons exiger qu’ils soient directement des pilotes de F1, même si nous nous y attendons tout de même un peu", avouent bon nombre d’entreprises d’ingénieurs.
"A l'époque où j'ai commencé ma carrière d’ingénieur, une personne plus ancienne m'accompagnait. Aujourd’hui, nous manquons souvent de temps pour cela." (André Van Damme, Umicore)

Au mois de mars, USG Engineering Professionals plaça ce métier sous les projecteurs lors de la Journée de l’Ingénieur. En guise de préparation, l’entreprise de services RH organisa une table ronde avec des employeurs recherchant des talents dans le secteur technique.

Temps d’intégration raccourci

Un thème animant les esprits porte sur l’écart entre ce qu’un ingénieur connaît et est capable de faire lorsqu’il sort de l’école, et ce dont le monde professionnel a actuellement besoin. Les entreprises attendent bien souvent plus que ce que l’enseignement leur livre, et ce même si elles regardent dans leur propre vivier. "Quand j'ai démarré ma carrière en tant qu’ingénieur, un senior m’accompagnait. Je pouvais ainsi apprendre au sein de l’entreprise", raconte André Van Damme, responsable du département technologie chez Umicore. "C’est une des raisons pour lesquelles nous engageons aussi des ingénieurs expérimentés, en plus des jeunes diplômés."


Même l’ingénieur Jochen Bultinck, responsable de l’asset management de la région nord-ouest chez Infrabel, l’observe : il devient de plus en plus difficile de 'doubler' les jeunes ingénieurs par des collègues ayant de l’expérience. "Le délai d’intégration est de plus en plus court." Infrabel a pourtant bien besoin de jeunes ingénieurs, tout comme beaucoup d’autres entreprises voyant arriver la vague des départs à la pension.

Du temps et de l’argent

C’est pour cela qu’ils mettent la barre haut, comprennent les employeurs. "Pourtant, ce n’est pas parce que vous avez votre permis de conduire que vous êtes un pilote de F1. Mais c’est ce que nous attendons parfois des ingénieurs", avoue André Van Damme.


André Ghysens, directeur RH à la Sabca, se reconnaît dans le discours de ses confrères. La société de construction aéronautique a vu la moitié de ses ingénieurs partir à la retraite ces 15 dernières années. "Les ingénieurs à peine sortis de l’école coûtent du temps et de l’argent. Parfois, il y a de la marge pour les former, parfois non. Chez nous, cela varie d’un projet à l’autre. Si c’est vraiment urgent et que les délais contractuels sont si serrés qu’il faut avoir des gens prêts à entrer en mission, nous cherchons plutôt des spécialistes à l’étranger. Mais ceux-ci quittent la maison dès que leur mission est achevée, ce qui ne garantit pas la continuité du service. Dans le cadre de projets offrant plus de temps, nous avons l’occasion de mener plus de recherches et il y a de la place pour les jeunes diplômés."

Formation en alternance

Fons Leroy, administrateur délégué du VDAB, prétend que la formation en alternance est synonyme de changement et d’amélioration. "Dans l’enseignement secondaire, le système permet à l’élève d’alterner l’apprentissage à l’école et la formation sur le lieu de travail. Cette méthode d’apprentissage à part entière pourrait aussi s’appliquer aux formations de bachelier et de master."


Même Wilson De Pril, travaillant chez Agoria, la fédération des entreprises de technologie, estime que la formation et surtout la formation continue sont les défis de l’ingénieur de demain. "Je ne rallongerais pas la durée des études, mais nous ne sommes absolument pas contre une plus grande intégration à la vie professionnelle. Il est également important que les ingénieurs aient les connaissances de base suffisantes pour continuer à apprendre. Cette responsabilité réside en partie chez les employeurs. Ils doivent et ils ne peuvent souvent pas faire autrement que de former leurs ingénieurs aux besoins de l’entreprise."


Les employeurs autour de la table sont parfaitement d’accord. Cela demande un investissement, mais il importe que les nouveaux fassent connaissance avec l’entreprise et développent leurs préférences professionnelles. "Même si nous accélérons déjà ce processus partout. La 'position de départ' des jeunes diplômés joue parfois contre", disent-ils. "Les connaissances de base sont motifs à déception", entend-on autour de la table. "En tant qu’ingénieur, vous devez savoir ce que vous faites. Il y en a beaucoup qui sont perdus quand vous les interrogez sur une matière vue les années précédentes."

Ingénieurs sans emploi

Peut-être nos étudiants ingénieurs devraient-ils se spécialiser davantage et plus rapidement ? Tout le monde n’en est pas convaincu. "L’industrie flamande est ce qu’elle est, il n’y a pas tant de fonctions de spécialistes. Nos universités livrent surtout des généralistes et ce n’est pas ce qu'il y a de mieux pour les entreprises".


"La formation d’ingénieur ouvre pas mal de portes pendant toute une carrière", affirme André Van Damme. "Certains exercent le même job pendant vingt ans, parce qu’ils aiment cela. D’autres changent de projet tous les six mois. Vous faites ce que vous voulez". Ce qu’un ingénieur doit savoir pour être bon ne se limite plus depuis longtemps à ses connaissances techniques. "Les compétences comportementales, les soft skills, l’esprit d’entreprise… tout cela compte. Il y a encore toujours aujourd’hui des ingénieurs sans emploi. Ceci est souvent lié à cela", explique Fons Leroy.


"Un ingénieur doit être passionné par l’environnement dans lequel il évolue, voilà ce à quoi nous attachons de l'importance chez Electrabel", déclare Alex Massoels, Teamleader au département Recruitment. "Nous attendons donc aussi un minimum de connaissance de soi."

La bonne personne

Kathleen Dupont, General Manager d’USG Engineering Professionals, insiste sur l’intérêt d’avoir 'le bon ingénieur au bon endroit'. "Ce sont les ingénieurs qui assurent l’innovation, laquelle profite à toute l’économie. Recruter la bonne personne, celle qui détient le bon potentiel, est donc de la plus grande importance."


Chez Deme, une compagnie de dragage, on privilégie le matching avec la culture d’entreprise. En outre, les jeunes doivent savoir où ils mettent les pieds. Tel est l’avis de Bruno Monteye, Manager RH. "Travailler à l’étranger peut sembler exotique, mais cela s'avère moins romantique que prévu. Beaucoup en sous évaluent la difficulté et ne comprennent pas qu’ils ne sont pas faits pour cela."

Attentes élevées

Cela surprend plus d’un employeur : les attentes vertigineuses que les ingénieurs à peine diplômés nourrissent à l’égard de leur premier emploi. Le salaire, la fonction, les responsabilités. Il en faut toujours plus tout de suite. Pour une partie, c’est le résultat d’une formation continue, estiment-ils. "Auparavant, les meilleurs de la classe allaient à l’université. A présent, la moitié des étudiants poursuivent leurs études. Qu’est-ce que l’on reçoit ? Beaucoup de masters, alors que de nombreuses entreprises sont principalement à la recherche de bacheliers."


Ken Peeters, Chef du département Real Estate chez Lidl, relève encore un défi supplémentaire. "Il nous est très difficile de trouver des ingénieurs. Avouons-le, nous ne sommes pas une entreprise d’ingénieurs typique, mais nous avons beaucoup de projets de construction en cours pour lesquels nous cherchons pas mal d’ingénieurs. Je le remarque souvent, ils considèrent ces projets 'trop petits'. Pourtant, ce sont de belles opportunités. Les jeunes diplômés ont visiblement de grandes attentes. Je ne peux pas toujours les suivre."


(EH) (SC) 

26 mars 2015
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