Une étude pour témoigner des défis en matière de recrutement

Paul Verschueren, directeur de Federgon : « Le nombre d’intéressés qui se proposent par poste n’a jamais été aussi bas. En plus, le candidat d’aujourd’hui a plus de facultés de s’exprimer et est plus capable de négocier, certainement dans les jobs en pénurie. »
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Le monde du recrutement et de la sélection est en pleine évolution. La pénurie sur le marché du travail et les changements dans les attitudes des candidats obligent le secteur à redéfinir son rôle. Quels sont ses nouveaux défis ? Une étude de la Vlerick Management School et de Federgon, la fédération des partenaires de l’emploi, en dresse l’inventaire.

« A call for action: going beyond business as usual », c’est le titre du rapport épais que les enquêteurs de la Vlerick Leuven Gent Management School ont rédigé sur ordre de Federgon, la fédération des entreprises belges actives dans le travail intérimaire, la sélection et le recrutement.

« En tant que fédération professionnelle, nous avons l’intime conviction que ces dernières années, le secteur du recrutement et de la sélection est confronté à de véritables développements sur le marché du travail », introduit Paul Verschueren, Directeur de Federgon. « Le moment était selon nous opportun de passer le secteur à la loupe afin de pouvoir anticiper les tendances et attentes du marché de demain. »

C’est à une mission conséquente que Federgon s’est attelée. La Fédération représente en effet quelque 500 entreprises du secteur du recrutement, ainsi que 75 entreprises de travail intérimaire, mais pour la majorité, ce sont tout de même des organisations qui se consacrent au recrutement et à la sélection de profils spécialisés. « En outre, toutes les entreprises ne confient pas par définition le recrutement et la sélection à une entreprise externe, ce qui signifie que nous devons aussi analyser la politique de recrutement au sein des entreprises. Le recrutement et la sélection internes sont confrontés aux mêmes défis », nous éclaire Paul Verschueren.

Ces défis ne sont pas des moindres. « Notre plus grand challenge est l’évolution économique et démographique », explique le Directeur de Federgon. Le nombre de candidats qui se manifestent lors d’une offre d’emploi n’a jamais été aussi bas. En plus ,le candidat actuel fait preuve d’assertivité et exerce un certain pouvoir dans la négociation, certainement pour un job à pénurie. Combiné avec les manques observés sur le marché et la concurrence croissante, le besoin de renouvellement et de professionnalisation du secteur se fait fort sentir. »

Pour obtenir l’image la plus exacte possible et retracer les défis les plus importants, Federgon a fait appel à l’équipe d’enquêteurs de la Vlerick Management School.

Cela ne va pas de soi

L’enquêtrice Veroniek De Schamphelaere explique l’intention de l’étude. « Avec notre enquête, nous voulions surtout analyser en quoi le recrutement et la sélection d’aujourd’hui différent de ceux d’il y a cinq à dix ans. On observe dans beaucoup d’organisations que le recrutement et la sélection gagnent en importance. La guerre des talents sévit encore toujours dans de nombreux secteurs. Plus qu’avant, c’est un vrai défi pour les entreprises de trouver des bons candidats aux postes vacants. La sélection et le recrutement sont de plus en plus à l’ordre du jour des réunions de direction. Cela ne va plus de soi. Le flux des candidatures étant très bas, la politique de recrutement reçoit donc de plus en plus d’attention.

Pour identifier les difficultés éventuelles, l’équipe d’enquêteurs a sondé une centaine d’entreprises sur leurs besoins et leurs attentes en matière de recrutement et de sélection, et a également interrogé des acteurs du recrutement et du secteur intérimaire. De nombreux besoins et constats ont émergé de l’enquête. En voici les tendances les plus remarquables.

D’une entreprise de recrutement moderne, on attend par exemple de plus en plus qu’elle se profile comme un labour market maker. Paul Verschueren explique : « Les entreprises en attendent toujours plus lorsqu’elles se lancent dans l’aventure avec leurs partenaires. Les entreprises supposent que nos membres amènent leur expérience sur la table. Par exemple, nombreux sont ceux qui soulèvent la question du rôle que les média sociaux doivent jouer dans leur politique de recrutement. C’est une réponse claire et complète qui est attendue de nos membres. On attend aussi du partenaire externe qu’il s’identifie de plus en plus à l’entreprise qui lui confie la mission. »

L’Employer branding est de plus en plus importante. « La personne chargée du recrutement et de la sélection est considérée par de nombreux candidats comme l’enseigne de l’organisation auprès de laquelle ils sollicitent », explique Veroniek De Schamphelaere. « De nombreuses entreprises issues de secteurs à forte pénurie font beaucoup pour mesurer leur image de marque. Des entreprises relativement anonymes, comme les petites PME, éprouvent pour ces raisons des difficultés à trouver le bon candidat.

Exemple de jargon HR issu de l’étude, la dénommée ‘candidate experience’. Pour générer cette extase auprès du candidat, il y aurait selon l’étude, étonnamment beaucoup à entreprendre. « Les candidats savent mieux s’exprimer et sont très conscients de leur position de force lors des négociations » dit De Schamphelaere. Ils attendent surtout du processus de sélection et de recrutement qu’il aille vite, ils veulent une réponse rapide à leur candidature. En même temps, les candidats attendent du recruteur qu’il intervienne davantage comme une sorte de coach, une personne de confiance presque.

L’expérience qu’un candidat retient de ses entretiens de sélection détermine souvent son choix pour un employeur ou l’autre. Cela exige davantage d’empathie et un processus de sélection sur mesure. En plus les candidats attendent que vous soyez constamment disponibles pour eux. »

Pour l’enquêtrice de la Vleerick, il est essentiel que le recrutement et la sélection se professionnalisent. « Avant le recrutement et la sélection étaient vus comme un processus relativement simple. Avec un peu de connaissances de base, vous pouviez très bien réussir en tant que recruteur. Ces dernières années c’est devenu un domaine d’expertise à part. L’évolution des technologies, des media sociaux et des canaux de recrutement fait en sorte que vous devez pouvoir vous spécialiser dans un domaine d’expertise. » Entre le cabinet de recrutement et le donneur d’ordres, il est important que le courant passe. « En tant que partenaire externe, vous vous investissez beaucoup dans la relation avec le client », prétend Veroniek De Schamphelaere. « Vous devez pouvoir en dire beaucoup au candidat sur l’entreprise pour laquelle il vient postuler. Ce défi se vit aussi chez les collaborateurs internes qui s’occupent de recrutement et de sélection dans l’entreprise.

Centre de frais

Les entreprises sont-elles, en ces temps incertains, prêtes à beaucoup dans la constitution d’un département de recrutement ? Selon Veroniek De Schamphelaere, ce n’est pas moins qu’un must. « En ces temps d’économie stagnante, les entreprises engagent moins qu’il y a quelques années, mais la recherche du bon profil n’en est absolument pas devenue moins importante. Le poste de frais est une réalité certes, mais ce n’est pas neuf. Le recrutement et la sélection considérés dans beaucoup d’organisations comme des postes de frais. Il est souvent temps de reconsidérer les activités de recrutement et de sélection, afin d’éviter de devoir le faire au moment où l’économie redémarre. Les effets de telles adaptations ont en effet besoin de temps pour être visibles. Une campagne de media sociaux a par exemple besoin de temps pour générer de l’impact. Rien n’empêche les entreprises d’y travailler et d’en récolter les fruits lorsque le climat économique s’éclaircira.

Dans les cercles HR, l’étude a été lue avec beaucoup d’intérêt. Pour Paul Verschueren, c’est une preuve que cela bouge dans le secteur. « Avec cette étude, nous voulions que nos membres aient des éléments pour revoir leur modèle de business et puissent se préparer pour l’avenir. Le recrutement est aujourd’hui plus que jamais devenu un domaine en soi. Le moment est venu de tout préparer et de switcher lorsque cela sera utile. L’approche d’il y a dix ans n’offre plus de garantie de succès dans le paysage actuel. »

27 novembre 2012
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