L'altruisme garantit plus de succès à long terme

Le sujet fait débat depuis de longues années. Le succès est-il une affaire de calcul ? Il y a ceux qui sont généreux par nature, et puis il y a les autres. Les individus qui n’agissent que pour eux-mêmes sont-ils si sombres ou juste inconscients ? Ont-ils raison ou tort ? La fin justifie-t-elle tous les moyens ? Qu’en disent les études qui s’y sont intéressées ?
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Chez les primates au moins, la réciprocité était une valeur, semble-t-il. Elle régissait le partage de la nourriture. Et ce, peu importe les liens de parenté unissant celui qui donne et celui qui reçoit.

Coopérer ou trahir ?

Contrairement à ce que les humanistes croyaient, les primates aussi pouvaient donc collaborer avec des semblables sans lien de parenté. Découverte intéressante et fruit d’une méta-analyse publiée dans Evolutionary Anthropology…

Etude qui conforterait l'idée, selon un des auteurs, que les actions qui profitent à un tiers tendent, au bout du compte, à bénéficier aussi au donneur.

Deux autres études s’intéressent au ‘dilemme du prisonnier’. De quoi s’agit-il ? Le jeu mathématique est inventé en 1950 pour étudier comment la coopération entre individus émerge, face à leur intérêt égoïste. Les joueurs sont au nombre de deux. Ils ont le choix entre coopérer ou trahir l’autre. Quoi que l’autre fasse, il semble que trahir rapporte plus au joueur individuel. Et en même temps, en coopérant, les deux joueurs perdraient moins qu’en se trahissant. Le jeu compare le gain objectif des stratégies égoïstes et altruistes.

Dans nos gênes ?

Au fil de l’histoire, il en était pour plaider en faveur de l’égoïsme, d’autres pour la coopération. En 1976, l'éthologiste Richard Dawkins avance sa théorie du ‘gène égoïste’. En 1981, Robert Axelrod, professeur de sciences politiques, propose quant à lui, dans une thèse, son explication à l'apparition de la coopération. Plus récemment, la revue PNAS traite de l’existence d’une stratégie égoïste capable de contrôler entièrement les gains de l’adversaire, quelle que soit l’attitude adoptée. La publication fait son petit effet.

Attention danger : Il y a plus égoïste que soi !

Fort heureusement pour la morale de l’histoire du moins, deux études de 2013 reprennent à leur compte le jeu du prisonnier qu’elles appliquent cette fois à une population de joueurs, qui s’apparente davantage à une société humaine. Elles reproduisent le jeu des milliers de fois.

Et il s’avère que dans des plus grands groupes, la stratégie du plus égoïste ne serait fort heureusement pas celle du plus fort. Pourquoi la tactique du plus calculateur ne fonctionne pas ? Parce qu’il y aurait toujours un risque de tomber sur un plus égoïste que soi. Et que dans ce cas, il est difficile de prédire le comportement de l’autre.

Les seules stratégies durables seraient donc celles basées sur la générosité, liée à la pratique du pardon : c’est ce qui permettrait de composer avec un traître, en se contentant de le punir légèrement afin de pouvoir avec le temps envisager de coopérer à nouveau avec lui.

Mais tant que nous parlons de société humaine, il va de soi que la coopération requiert d’autres éléments un peu plus sophistiqués, comme la communication orale, l’accord culturel, la réputation sociale de chacun. etc.

Pour chasser un peu plus loin le sombre pessimisme de départ, clôturons avec Einstein : « Trois idéaux (...) m'ont souvent redonné le courage d'affronter la vie avec optimisme : la bonté, la beauté et la vérité. »

Alors, vous avez choisi votre camp ?

(sc) – Source : Le Monde 

9 février 2015
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