« La discrimination positive est une bonne chose »

L’ascension des femmes au sommet de la vie professionnelle prend trop de temps. C’est pourquoi Saskia Van Uffelen, CEO de Bull Belux, est pour les quotas. C’est ce qu’elle nous exprime dans cet article d’opinion.
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« Selon l’entreprise de consultance Hay Group, en matière de présence féminine dans les comités de direction du Bel 20 belge, ce n’est pas bien brillant. Avec une représentation d’à peine 12%, la Belgique score plutôt mal comparée à la moyenne européenne de 21%. Heureusement, il y a du progrès dans l’air puisqu’en 2012, la proportion des femmes se trainait encore à hauteur de 6%. Les entreprises cotées en bourse sont légalement obligées d’assurer une représentation des femmes au comité de direction égale à un tiers minimum. Ce, après une période de transition. »

« Je suis un fervent défenseur de l’établissement de quotas. L’ascension des femmes à la tête des entreprises est encore bien trop lente. Un quota reste la seule mesure qui soit efficace pour faire bouger les choses sur le terrain, afin de rompre avec le statu quo. Si vous ne pilotez pas l’évolution de cette manière, cela peut durer encore un siècle avant que les hommes et les femmes soient représentés de manière équitable à la direction. Je suis convaincue que la discrimination positive est une bonne chose. Cela vaut pour les comités de direction comme pour l’encadrement. »

Cinq enfants

« Je m’en suis rendue compte par la force des choses, que pénétrer le monde très masculin de l’IT est synonyme de combat, pour une femme. Quand je travaillais dans ce secteur, la contribution des femmes n’était pas du tout valorisée. A chaque promotion, je devais à nouveau me prouver. Une femme reçoit toujours des questions insidieuses sur ses compétences, sa formation et son expérience, tandis que pour un homme, il suffit de faire travailler son réseau. Aujourd’hui, le top des entreprises manque encore toujours de diversité et il y a donc trop peu de modèles féminins. Et du coup, l’ascension des femmes est compliquée. Un cercle vicieux donc.

« Chacun doit parvenir à un équilibre et poser ses limites. Je suis encore souvent occupée le soir au travail, mais ma vie de famille le vendredi soir et le week-end est sacrée. Si vous autorisez votre travail à enfreindre les frontières de votre vie privée, vous entrez sur une pente dangereuse. Attention, je ne suis pas parfaite. Je commets aussi des erreurs. Il s’agit principalement de fixer des buts réalistes avec soi-même. Trois fois par semaine au fitness, c’est incompatible avec ma fonction. Donc je ne dois pas briguer un tel objectif. »

« Les préoccupations familiales ne doivent pas être une contrainte pour les femmes qui veulent atteindre le sommet. Celles qui prétendent qu’une carrière et une famille sont incompatibles, se trompent. Et c’est vexant pour les femmes avec enfants qui exercent bel et bien une fonction supérieure de direction. Comme si nous ne pouvions gérer une famille en plus de notre travail. J’ai moi-même cinq enfants. Avec un minimum de don d’organisation, vous ne devez pas mettre votre carrière en péril à cause des absences pour congés de maternité et pour causes d’accouchement. Et pour ceux qui doutent encore, quid alors des hommes qui veulent ou doivent renoncer à leurs responsabilités pour leurs enfants ? Ils sont condamnés à ne pas faire carrière plus tard dans ce cas ? Non, bien sûr que non. Admettons alors qu’il s’agit plutôt d’une évolution sociétale que d’un débat sur le genre. »

Femmes avec talent

« Nous entendons encore souvent qu’il y a trop peu de femmes à disposer des compétences nécessaires à un mandat de direction. Je ne suis absolument pas d’accord. Je suis active à Women on Board, une plateforme qui rassemble les talents féminins disponibles dans des fonctions de dirigeant. Via cette plateforme, nous voulons montrer que le talent de management peut très bien se conjuguer au féminin. De plus chacun, lors de la recherche des bons candidats, doit oser penser hors du cadre. Cela peut être un réel enrichissement que de sélectionner, par exemple, pour une entreprise de transport, un candidat à la direction sans aucune expérience du secteur. Cette personne envisagera la situation sous un autre angle. Aujourd’hui, je remarque que cela ne se produit pas encore. »

« En conclusion, pourquoi des femmes dirigeantes sont importantes ? Parce qu’elles mettent l’accent ailleurs que leurs collègues masculins, ne nous voilons pas la face. L’an passé, j’ai plaidé pour que l’on identifie plus en amont les cas de stress au travail. Je ne vois pas cela chez un dirigeant masculin. Les femmes comprennent peut-être mieux que nous devons, en tant qu’organisation, chérir nos ressources les plus importantes, et qu’il s’agit d’hommes et de femmes en chair et en os. Si nous voulons éviter que les générations actives se sentent pressées comme des citrons, cela demande un changement de mentalité au sein de la société entière. »

Saskia Van Uffelen est à la tête de Bull Belux, une entreprise de technologie spécialisée dans les applications au service des autorités publiques et des entreprises privées. La ’Digital Champion’ belge !

23 janvier 2014

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